Non, nous n’utilisons pas que 10 % de notre cerveau

Un mythe aussi résistant qu’un neurone accroché à sa synapse

C’est probablement l’une des légendes les plus tenaces du XXᵉ siècle :
celle qui affirme que nous n’utiliserions que 10 % de notre cerveau.

Une idée à la fois inquiétante (que fait-on des 90 % restants ?) et flatteuse (il suffirait de les “activer” pour devenir un génie).

Malheureusement, cette idée est fausse.

Et comme souvent avec les fausses bonnes idées… elle a fait le tour du monde.

D’où vient cette histoire ?

Le coupable présumé : William James, un psychologue américain du début du XXᵉ siècle, qui aurait déclaré que

Nous n’utilisons qu’une petite partie de notre potentiel mental et physique.

Une phrase anodine, sortie de son contexte, et hop : les médias s’en sont emparés.

Quelques décennies plus tard, la citation s’était transformée en une formule marketing bien plus percutante :

Nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau.

Parce qu’évidemment, 10 % sonne mieux que une petite partie.

C’est plus rond, plus mystérieux, plus vendeur.

Hollywood s’en est d’ailleurs régalé : de Lucy à Limitless, le concept a nourri tout un imaginaire collectif autour du cerveau surpuissant en veille.

Ce que disent vraiment les neurosciences

Les neurosciences modernes ont depuis tranché : c’est totalement faux.

Les technologies d’imagerie cérébrale (IRMf, TEP scan) montrent que presque toutes les zones du cerveau sont actives, même au repos.

Aucune région n’est laissée en jachère neuronale.

Simplement, toutes ne s’activent pas en même temps – et heureusement.

Imaginer qu’on puisse tout allumer d’un coup, c’est un peu comme vouloir faire fonctionner la machine à laver, le four, le fer à repasser et le sèche-cheveux sur la même prise : le cerveau sauterait les plombs.

Chaque zone a sa spécialité : langage, mémoire, mouvement, émotions, prise de décision…

Mais ces fonctions ne sont jamais isolées.

Le cerveau fonctionne en réseau, en perpétuelle interaction, comme un orchestre où chaque instrument entre au bon moment.

Pourquoi ce mythe plaît autant ?

Parce qu’il flatte une idée séduisante :

celle que l’on pourrait activer un pouvoir caché, une sorte de version 2.0 de soi-même.

C’est la promesse du superhéros, de la potion magique, du cerveau augmenté.

Et avouons-le : quand on oublie ses clés dans le frigo, l’idée d’avoir encore 90 % de matière grise inutilisée a quelque chose de rassurant.

Mais la vérité est plus belle encore.

Le cerveau n’est pas un terrain en friche, c’est un univers en mouvement, qui se réorganise à chaque apprentissage, chaque émotion, chaque souvenir.

Ce n’est pas qu’il dort : c’est qu’il se transforme en permanence.

Ce que la science nous apprend vraiment

  1. Le cerveau est actif tout le temps, même pendant le sommeil.
    (Merci au réseau du mode par défaut, découvert par Marcus Raichle)

  2. Il est plastique : il se modifie en fonction de l’expérience, de la pratique, de l’environnement.

  3. Il adore la nouveauté et la complexité, mais déteste le stress chronique.

  4. Il consomme 20 % de l’énergie totale du corps.
    Autrement dit, si seuls 10 % travaillaient, il faudrait arrêter de le nourrir autant.

Donc…

Non, personne n’a 90 % de cerveau inutilisé.

Ce mythe est un peu comme un vieux logiciel qu’on n’a jamais pris le temps de désinstaller.

Le cerveau humain est déjà un chef-d’œuvre d’efficacité :

il ne gaspille rien, il optimise tout.

Ce n’est pas un muscle à activer, mais un écosystème à entretenir.

Références scientifiques

  • Aamodt, S., & Wang, S. (2008) : Welcome to Your Brain

  • Raichle, M. E. (2010) : The brain’s dark energy

  • Ward, J. (2015) : The Student’s Guide to Cognitive Neuroscience

  • Boyd, R., & Silk, J. (2017) : How Humans Evolved

  • Mythbusters (2008) : Do we really use only 10 % of our brain ?

Pour bien terminer

L’humanité n’utilise pas que 10 % de son cerveau, mais elle a parfois besoin d’un café pour activer le reste.

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